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Bande de filles

29 novembre 2014 par Jacques

Réalisé par Céline Sciamma

Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Mariétou Touré, Lindsay Karamoh, Idrissa Diabaté…

Depuis la fureur de vivre, peinture d’une révolte fondatrice contre l’autorité paternelle, le cinéma a multiplié au sein de la famille, de la cité ou de l’université, les angles de vues sur la question de l’émancipation de la jeunesse, entre malaise et violence (la haine), la mixité sociale (entre les murs), l’initiation amoureuse (la boume) jusqu’aux extrêmes, la dérive sanglante schizophrène  (Elephant) et la bouffonnerie régressive (Américan pie). Dans le sillon de l’esquive d’Abdellatif Kechiche, prodigue d’effets narratifs subtils et réalistes, Céline Sciamma (Tomboy) poursuit son analyse inspirée de la construction identitaire d’adolescentes en suivant les pérégrinations d’une bande de filles en banlieue parisienne.

bande de fille vic

L’entrée au Lycée barrée par de faibles résultats scolaires, un frère aîné tyrannique, seule figure patriarcale dans un foyer bruyant, un appartement au sommet d’une tour, une mère absorbée par son métier de femme de ménage, la charge domestique d’une petite sœur, Marième (Karidja Touré) vit à seize ans une intense déception quand elle croise une bande de filles également d’origine africaine, postée en vigie à la porte du Collège et gentiment provocatrice. Au contact des trois meneuses en rupture de banc scolaire, elle libère sa chevelure, se pare de vêtements de couleurs chapardés dans les grands magasins valorisant sa féminité, première étape de sa mue identitaire. La bande devient le substitut affectif aux carences familiales et la chambre d’hôtel louée, le refuge ou les corps se libèrent à l’unisson, dans le vertige de la danse, sur un tube de Rihanna et puis s’endorment agglutinés comme des chiots apaisés sur une litière. La délinquance affleure aussi, et le racket de collégiennes intimidées finance les trajets en RER vers la Capitale. Marième devenue Vic, Adiatou, Fily et Lady croisent dans le Métro ou le Snack d’autres bandes pour se défier aussitôt, se toiser verbalement. Le besoin d’affirmation engendre également des bagarres ritualisées entre doges jusqu’à l’humiliante défaite de la rivale diffusée sur You Tube. Vic qui a démontré son ascendant dans un combat de ce genre  s’émancipe d’avantage en perdant sa virginité tout en repoussant  la normalisation par le mariage,  reflet du stéréotype maternel.

bande de fille danse

« T’es qui toi », « c’est quoi ta vie », au delà du paraître, les protagonistes de bande de filles sont questionnées en profondeur par l’être et le devenir. La réalisatrice s’attarde sur l’itinéraire de Vic, enrôlée par un caïd, devenue dealeuse pour soirée branchée , un personnage endossé comme une identité à l’essai qui peut tourner court ou ouvrir la voie à la délinquance dure, à la prostitution.  Le passage de l’état d’adolescence à l’état adulte apparaît alors comme une succession  d’expériences initiatiques, un parcours d’obstacles pour celles empêchées très jeunes de « faire comme tout le monde ». A défaut d’institutions, la personnalité s’édifie au sein de la bande et s’émancipe au grand air de la tentation commune, la société de consommation. Bande de fille est une épure très fine de l’adolescence marginalisée socialement qui doit sa sincérité  à la spontanéité des interprètes non professionnelles.

 

 

 

 

 

 


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