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Kapo

20 juillet 2013 par Jacques

Réalisé par Gillo Pontecorvo

Avec Susan Strasberg, Laurent Terzieff, Emmanuelle Riva…

Les épouvantables fractures génocidaires qui ont jalonné le cours des civilisations n’ont pas vocation à demeurer pour leur exégèse, le champ clos des historiens, des philosophes ou des juristes. D’où vient pourtant cette frilosité des arts populaires à interpréter la réalité des massacres de masse en Amérique, en Arménie, ou dans l’Allemagne nazie de la solution finale? De la difficulté peut-être à trouver l’angle juste au regard d’un sujet dont l’ampleur n’autorise aucune trahison! Gillo Pontecorvo en tous cas fut un des très rares cinéastes à se confronter à la Shoah en réalisant Kapo, sorti en 1961. C’est une œuvre de fiction bouleversante qui dans dans sa première partie transporte le spectateur dans l’horreur du camp d’Auschwitz empilant avec force les séquences comme des flashs sinistres d’images d’archives.

kapo  pendaison

Edith (Susan Strasberg), parisienne de 14 ans marquée de l’étoile jaune est raflée avec ses parents et entassée dans un convoi comme les nuits et brouillards. A son arrivée au camp, elle échappe à la chambre à gaz avec l’aide d’un prisonnier médecin qui lui attribue l’identité d’une détenue de droit commun, décédée. Elle devient Nicole, préposée aux durs travaux forcés de pose de rails de chemin de fer. Elle s’abîme les mains et n’échappera pas à la sélection des inutilisables ni à son élimination sauf qu’au lieu de montrer ses paumes meurtries, elle découvre sa poitrine, un stratagème qui subvertit les préposés à la visite médicale. Mais Nicole encore vierge doit accepter une invitation à la baraque des officiers comme prostituée et parachève son instrumentalisation par le système concentrationnaire en devenant une kapo à la veste noire, chargée de l’encadrement à la schlague des prisonniers réduits à l’état de troupeau. A la différence de Thérèse (Emmanuelle Riva), Nicole s’est murée dans l’indifférence animale à la souffrance des siens depuis le premier soir où elle entrevit ses parents parmi d’autres prisonniers poussés nus vers la mort. Elle parfait même la mésalliance en sympathisant avec un de ses bourreaux, pour sauver sa peau et manger à sa faim.

kapo polémique

Mais l’arrivée au camp d’un groupe de prisonniers Russes est le signe annonciateur de changements, en éveillant l’espérance d’une libération collective par l’armée rouge en même temps qu’une idylle se noue entre la kapo et un jeune soldat ténébreux et rebelle, Sasha (Laurent Terzieff). Le ressort classique du sentiment amoureux suffit à lézarder la cuirasse d’insensibilité à autrui condition de la survie et ouvre à l’héroïne les portes du sacrifice et de la rédemption.

kapo liaison

Kapo met en scène les rituels de la barbarie ordinaire dans un camp de concentration avec une tonalité digne d’un quasi documentaire adossé aux portraits sombres et ambivalents de prisonniers et d’auxiliaires des nazis. Cette alchimie propre au talent de Pontecorvo culminera avec son chef d’œuvre, la bataille d’Alger, exemplaire d’impartialité dans la transposition historique. Cette osmose idéale entre fiction et réalité issue du néo-réalisme italien s’éteint dans les années soixante sous l’influence du cinéma américain soucieux de faire disparaître des écrans un affichage trop violent des souffrances du corps social, sa paupérisation de nature à frapper la conscience politique, au profit d’une industrie du loisir plus en phase avec le système capitaliste.

 

 

 

 

 


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