Réalisé par Sion Son
Avec: Isao Natsuyagi, Jun Murakami, Megumi Kagurazaka…
Au village de Nagashima dont le patronyme sous entend celui des agglomérations irradiées en 1945, deux voisins, producteur de lait et maraîcher préparent leurs expéditions en famille quand survient un tremblement de terre aux effets domestiques mineurs, meubles renversés et vaisselle cassées mais aux dégâts industriels majeurs, un champignon de fumée de sinistre mémoire exhalant de la centrale nucléaire qui a explosé à l’horizon. Aussitôt les autorités installent dans l’urgence une barrière et un cordon sanitaire dans un rayon arbitraire de 20 kilomètres qui coupe le village en deux et en deçà duquel il faut évacuer. L’éleveur décide de rester sur ses terres, auprès de ses arbres, avec son épouse à la raison chancelante, résolu à subir jusqu’au terme une destinée maudite dans un environnement dont il a pressenti avant tous, le caractère fatal. Mais il commande, en patriarche protecteur, à sa belle fille enceinte et à son jeune fils de fuir les lieux du sinistre , en leur léguant ce qui n’a plus de sens sur place, l’instrument qui déjoue toutes les rhétoriques officielles, un compteur geiger.
Le jeune couple se résout à l’errance des réfugiés hébergés d’urgence dans la promiscuité des gymnases, lieux de concentration de toutes les peurs, les frustrations et les rancœurs. Là où un employé de la centrale, devient l’idéal bouc émissaire, les autorités censées répondre au besoin d’information, brillant par leur absence. L’individu pris à partie se défend en invoquant un modèle de société où chacun exige sa plaque de cuisson électrique. Ainsi confinée, l’angoisse s’estompe et la normalité retrouve ses droits lorsque chaque famille est dotée d’un appartement décent équipé d’une télévision qui rassure de ses émissions lénifiantes. Alors il est conseillé à tous d’enlever le masque, de respirer, de circuler et de consommer sereinement! Seule la future maman qui, avertie des risques de contamination du lait maternel par le césium et documentée sur les méfaits de la radioactivité fait de la résistance, en circulant en ville, au supermarché, équipée d’une combinaison étanche.
Enclin à s’aligner sur le conformisme généralisé des habitants, c’est à dire à considérer l’accident clôt tel un mauvais cauchemar dans la perspective d’une vie renouvelée, débarrassée avec le temps passé, des miasmes du sinistre, le mari toutefois finira par se ranger à la sagesse paternelle et à la prudence féminine en fuyant à l’autre extrémité du pays, persuadé grâce au crépitement de son appareil, d’une stratégie officielle du mensonge qui assure la paix sociale face aux méfaits du nucléaire.
Dans un Japon insulaire, rien n’échappe de fait à la pollution radioactive, le film révélant cette vérité que seules découvrent les familles opiniâtres. La terre est définitivement contaminée et les habitants quoi qu’ils fassent subiront les plus néfastes conséquences de cette invisible pollution. Passée sous silence depuis Fukushima, l’augmentation du nombre de cancers du foie ou de la thyroïde ne préoccupe semble-t-il qu’une minorité équipée de détecteurs, mais y a t-il vraiment une autre alternative que de vivre avec la radioactivité présente même là où on se croit à l’abri! Le conformisme majoritaire, cette politique de l’autruche, ne serait en définitive que l’autre versant d’un sentiment commun à tous, la résignation.
The land of hope mêle à ce noir constat des images étonnamment souriantes, celle enchanteresse de ces vieux parents venus dans les ruines de la ville irradiée, danser comme jadis, la danse des morts, une ode aux semailles et à la germination, celle touchante d’une demande en mariage dans la fantasmagorie des décombres, celle irréelle d’ enfants en quête d’un disque des Beatles dans les maisons dévastées. L’action des autorités confine toujours à l’absurde et au ridicule comme cet ordre transmis à l’éleveur réfractaire d’abattre un troupeau d’une soixantaine de vaches, un massacre inconcevable dans une étable modèle, que le spectateur de verra pas mais qui condamne le fermier victime d’une si violente dépossession au suicide avec son épouse.
Le film de Sion Son apparaît comme le fidèle décalque du drame de Fukushima où furent minimisés par les autorités dépassées par l’ampleur du sinistre, les impacts de la contamination pour la population. Depuis, les normes de protection environnementale ont été relevées, piètre rempart contre l’appétit des promoteurs d’industries pourvoyeuses de si modernes bienfaits aux effets potentiellement malfaisants: l’enfer est souvent pavé des meilleures intentions!
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