Réalisé par Uberto Pasolini
Avec Eddie Marsan, Joanne Frogatt, Karen Drury…
Les rites funéraires éclairent l’évolution de nos pratiques sociales, la crémation gagnant peu à peu du terrain sur l’enterrement à mesure que le principe laïc dépossède le pouvoir religieux, mais l’hommage au défunt en cercueil ou en urne demeure un trait de notre humanité. En France pourtant, le trépassé désargenté est enterré par les Mairies au carré des indigents à l’issue d’une brève enquête d’état civil des polices municipales et la recherche parentèle se limite à la consultation des fichiers. Chez les anglicans en revanche, le décès d’un anonyme fait l’objet d’une prise en charge à la philanthropie surprenante. Les services municipaux anglo-saxons des pompes funèbres conduisent en parfaits détectives, la recherche de parents ou d’amis susceptibles d’accompagner le défunt dans sa dernière demeure ou avant toute dispersion des cendres.
Une belle fin d’Uberto Pasolini nous éclaire sur le rituel insolite concluant le décès des solitaires outre-manche, sombre rappel des abandons consentis par nous-mêmes, révélés en France en 2003 lors d’une semaine de canicule.
John May (Eddie Marsan) porte en lui une valeur cardinale mais obsolète en ces temps de rackets financiers, la conscience professionnelle! A quarante quatre ans, ce célibataire goguelin occupe au service des inhumations, un petit bureau au sous-sol de l’hôtel de Ville ainsi qu’un modeste appartement d’où il prolonge ses investigations afin de conduire dans leur ultime demeure les défunts isolés oubliés ou reniés qu’il a charge d’inhumer, accompagnés des anciens proches disparus au fil du temps ou des déconvenues.
Cet homme à l’exquise méticulosité en gabardine, à l’inlassable cartable se heurte à l’indifférence polie des entourages et accompagne toujours seul le pasteur aux obsèques du défunt dont il rétablit la dignité à travers l’évocation nécrologique, modèle de délicatesse inspirée des photos souvenirs récoltées au domicile du décédé, en combinaison d’hygiène. Mais son perfectionnisme anachronique, son abnégation désuète finit par agacer la hiérarchie soucieuse de réduire les procédures et les coûts: il est licencié sans vergogne au terme d’un ultime dossier de trois jours, les funérailles de Billy Stoke, son vis à vis d’immeuble et d’étage et pourtant inconnu de lui!
En fait, l’exacte projection de sa propre solitude! May va donc se surpasser une dernière fois, entrevoyant même la possibilité du bonheur à la rencontre de Kelly (Joanne Froggatt) la fille de Stoke si le destin n’était amer pour les êtres délaissés, à la conscience pure.
De toute la puissance de son intériorité, Eddie Marsan incarne à merveille cet employé d’apparence falot doté d’une humanité confondante, véritable perle qui s’ignore dans le domaine du traitement de la mort des exilés, des isolés ou des sauvages.
Pasolini traite le sujet sur un mode mineur, modeste, en écartant le spectaculaire et la dramaturgie conférant au récit l’allure d’une fable parfaitement adaptée à son contenu altruiste et mélancolique.